Comment choisir le bon prénom pour votre enfant ?

le 05/01/2021 à 10h53 par  - Lecture en 4 min Ajouter à votre selection
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Prénommer son enfant Victoire, Emma ou Adam n'est pas anodin. Ce prénom l'accompagnera toute sa vie, il porte les valeurs et les attentes des parents. Rencontre avec Sigrid Charrière, psychologue et fondatrice de l'association internationale de psychogénéalogie (AIP).

Un prénom porte les valeurs et attentes des parents

Un prénom, ce n'est pas simplement une manière de nommer l'enfant...

Il y a une phrase de Saint-Exupéry que j'adore : "Comment tu t'appelles ?", demande-t-on à l'enfant, qui répond : "Je ne m'appelle pas. On m'a appelé" . Cela résume bien le sujet : le prénom fait partie des projections de la famille pendant la grossesse, composées de faits réels ("Chez nous, les Alexandre sont forts en classe") ou de fantasmes. Il reflète les motivations et les attentes des parents. Quand on demande à quelqu'un "Pourquoi avez-vous choisi ce prénom ?", il répond souvent : "Parce qu'il me plaisait". Mais on ne choisit pas un prénom simplement parce qu'il sonne bien. Plus tard, le bébé devra ressembler à l'image que l'on se fait du prénom choisi.

Chaque prénom serait donc chargé d'une attente, d'un sens particulier ?

C'est exact. Un prénom n'est jamais neutre. Prenons l'exemple d'un enfant à qui la mère donne, en deuxième prénom, celui d'un de ses propres parents. On dit : "C'est pour honorer les grands-parents", parce qu'on les aime et qu'on voudrait que l'enfant leur ressemble. Mais donner à son enfant le prénom d'un de ses grands-parents est ambigu : pour le parent, cela signifie "Je suis en symbiose avec ma mère ou mon père, donc j'appelle mon enfant comme elle ou comme lui". Parfois aussi, c'est un moyen inconscient de prendre sa revanche. Face à de tels choix, les enfants essuient souvent les conflits inconscients existant entre leurs parents et les grands-parents. Certains parents font l'inverse, en prenant un prénom éloigné de l'histoire familiale, justement pour ne pas "charger" l'enfant. Mais ce choix a un sens : on exclut l'enfant, on fait comme s'il ne faisait pas partie du bercail. Quoi qu'on fasse, l'enfant a toujours une charge sur les épaules ! Et il faut que son prénom colle avec sa personnalité.

Prénom et personnalité sont-ils forcément accordés ?

Quand c'est le cas, l'enfant ne s'en rend pas compte. Mais, quand ça ne colle pas ou que le prénom est trop lourd à porter, ça pose souci : par exemple lorsqu'un petit garçon porte le même prénom qu'un oncle qui avait une forte personnalité, une place à part dans la famille. Même si l'enfant ignore ce contexte, il va se rebeller contre cette image qui constitue un héritage écrasant. Dans certaines familles bourgeoises où le grand-père a fait Polytechnique, le fils, qui se prénomme comme son père, doit suivre la même voie. Cette reproduction sociale un peu forcée est une charge supplémentaire pour un enfant : il pourrait s'épanouir dans une autre voie que celle qu'ont choisie ses parents pour lui... Mais cela est vrai quel que soit le milieu, et que l'on s'appelle Charles ou Léo.

Original, classique ou décalé, un prénom veut toujours dire quelque chose…

Y a-t-il des prénoms plus difficiles à porter que d'autres ?

Oui, le prénom peut même être porteur d'un sens dont les parents n'avaient pas conscience au moment de la naissance : une fillette appelée Victoire après X fausses couches ; un bébé que l'on appelle Sylvie (« S'il vit »), après deux enfants décédés... Ces prénoms peuvent alors devenir un fardeau pour l'enfant.

Quel serait le point commun des enfants nés ces dernières années nommés Emma ou Gabriel, ou autres prénoms parmi les plus donnés ?

Ce sont les enfants d'une époque ! Cela montre que leurs parents ont voulu les intégrer dans un environnement perçu comme positif parce que très en vogue, comme dans le cas de Emma, Gabriel et autres Léo ou Louise.

A l'inverse, que penser du choix d'un prénom original ?

Cette course à l'originalité dénote l'envie de ne pas se fondre dans la masse. Comme si l'enfant devait avoir une personnalité bien distincte. Le message est alors : "Ce prénom, on l'a inventé pour toi et pour toi seul". Aux yeux de ses parents, cet enfant est un trésor unique. Ce n'est pas un héritage simple. Comment l'enfant va-t-il s'intégrer dans la masse si ses parents, depuis sa naissance, lui demandent d'être quelqu'un de hors norme ? On ne peut pas grandir loin de sa famille... ni loin de ses pairs.

Peut-on proposer à l'enfant de faire un arbre généalogique des prénoms de sa famille ?

Oui. C'est une bonne idée de se concentrer sur les prénoms et de remonter le plus loin possible, pour repérer ceux qui se répètent et étudier leur image : se rapportent- ils à une personne, une région, un personnage historique ? Certains seront positifs, d'autres peut-être un peu moins... La fillette qui s'appelle Léa découvrira par exemple qu'il y avait une Léontine (ces deux prénoms ont la même racine) dans ses ancêtres. S'intéresser à qui était cette femme, à ce qu'elle faisait, permet de se positionner et de mieux comprendre son histoire familiale. Rencontre avec Sigrid Charrière, psychologue et fondatrice de l’association de psychogénéalogie (AIP). Propos recueillis par Anne Lamy.

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